La Vresse aux douze visages.

©Philippe Grimard / digitalinn.be (recueil de poésie)

 

Quiconque affirme n’avoir jamais succombé à ses charmes ne saurait, sans nul doute, dire vérité tant ils sont divers et changeants.

 Chaque saison lui procure mille parures, autant de mutations donnant satisfaction aux désirs d’émerveillement les plus éclectiques.

 

La belle ainsi parée ne permet à personne d’échapper à son envoutement.

Tôt ou tard, par amour ou infidélité, vous serez amenés à vous en confesser.

Tantôt courbes voluptueuses au fil de Semois sinueuse, tantôt raideurs escarpées aux velours d’une luxuriante biodiversité.

 

De douze cépages assemblés, elle vous offrira un grand cru tellement inattendu .

Toutefois, ne vous laissez pas surprendre car les douze effluves dont son bouquet est savamment composé, sont issues de terroirs variés à découvrir sans modération.

Sous un camaïeu de verts délicatement tissé, transparaissent ses douze visages aux caractères bien trempés : du travailleur du bois à celui de la terre en passant par les hôtes d’une eau capricieuse capable de déconcerter les pêcheurs les plus aguerris.

 

Me défendant de vous convaincre, je vous confierai pourtant, du dédale passionné issu du plus profond de mon être, l’essence de mes allégeances.

 Quand survient le mois de mai, à un jet de chlorophylle du chaleureux solstice, se déploient arcs-en-vert de feuillées extirpés de leur hibernation.

Cortèges de fleurs sauvages en vagues successives ou dissimulées dans un majestueux décors, tapis d’amour pour nos amis ailés hélant ardemment leurs bien aimées.

Doux instants d’extase jubilatoire que d’écouter tout ce beau monde échanger dans leurs divers dialectes si particuliers.

Dans un va-et-vient d’oisons en mal d’expériences, c’est terre en éveil qui, de toutes fragrances, vous enivre.

  

Pour toute confidence, voici ma deuxième addiction.

Lorsqu’au cœur des mousses, les sources se figent en myriades de chandelles.

Quand les cristaux vous aguichent de leurs surprenantes géométries, tapis moelleux aux allures alpestres transfigurant nos merveilleuses contrées en voies royales pour lutins arctiques ensevelies sous les voiles vaporeux des brumes ascendantes, je me réfugie après de la chaleur réconfortante d’un foyer de bûches crépitantes.

 

Ma foi, je ne puis écarter la magnificence des autres décors arborés par notre territoire tant leurs couleurs et leurs lumières conjuguées ne peuvent que nous laisser choir sans voix.

 

Alors que la harde de mélèzes arbore sa rousse toison, que le coucou abandonne l’égrènement du temps des jours raccourcis, le déclin de l’astre du jour enflamme nos horizons de ses torches d’enfer, découpant ainsi, en ombres asiatiques, conifères et cervidés.

 

Au-delà de ces joyaux jalousement préservés, au fil de nos multiples sentes imprégnées de mille secrets, je vous partage cet émerveillement sublimé par notre oxygène de vie ardennais libéré à perpétuité.

 

©Philippe Grimard (Bagimont 17 mai 2024) – Digital’Inn

 

 

Paru dans MAUGIS 84
Revue littéraire trimestrielle des Amis de l’Ardenne.
72 avenue Charles Boutet – 08000 Charleville-Mézière
+33 3 24 56 49 87            scolletmansuy@sfr.fr

©Philippe Grimard / digitalinn.be (recueil de poésie)